Peu importe le nombre de campagnes de sensibilisation, les améliorations dans les centres de saisie et d’amélioration des techniques chirurgicales, les files d’attente pour les transplantations d’organes ne cessent jamais. C’est pourquoi chaque avancée dans ce domaine nous remplit d’espoir. C’est le cas d’une recherche menée par le Massachusetts General Hospital en partenariat avec l’université de Harvard : les scientifiques de l’institution ont pu fabriquer du tissu cardiaque à partir de des cellules souches du patient à partir d’un cœur qui ne doit pas nécessairement être un donneur compatible.
Ceux qui pensent que le problème des lignes de transplantation est exclusif aux pays moins développés se trompent : aux États-Unis, par exemple, on estime que 4 000 personnes attendront un cœur cette année, mais que seulement 2 500 recevront l’organe.
Mais ce n’est pas tout : lorsqu’une personne passe au travers de la greffe, son combat ne s’arrête pas là. Le patient doit suivre une série de soins et avoir un suivi médical rigoureux car l’organe peut être rejeté par l’organisme. Ce risque n’est pas négligeable, même lorsque les examens indiquent une compatibilité adéquate.
Pour réduire les risques de rejet, les médecins utilisent principalement des immunosuppresseurs, des médicaments qui atténuent l’action des cellules de défense qui attaquent l’organe transplanté.
Le problème avec ces drogues, ce sont les effets secondaires. Les immunosuppresseurs peuvent entraîner une prise de poids, une hypertension artérielle, une altération de la fonction hépatique, entre autres complications. Mais le pire problème est peut-être le risque d’infections : les mêmes cellules qui attaquent l’organe protègent également l’organisme contre les bactéries et autres types de micro-organismes, de sorte que l’action des médicaments peut affaiblir cette barrière de sécurité.
C’est là que le travail du Dr Jacques Guyette et de son équipe peut faire la différence. Dans la thèse, un tissu cardiaque développé à partir des propres cellules du patient réduit fortement le risque de rejet par l’organisme, après tout, le système immunitaire n’y trouvera pas de matière biologique étrangère.
Un jour, avec un peu de chance, nous y arriverons, mais on ne peut pas construire un cœur entier avec du tissu développé en laboratoire. L’une des nombreuses limites à cela est la difficulté de créer une matrice extracellulaire, c’est-à-dire une structure qui a parmi ses fonctions de servir de support et de moyen d’organisation pour les cellules.
Comme il n’est pas (encore) possible de construire des matrices extracellulaires, les chercheurs ont décidé d’utiliser 73 coeurs donnés provenant d’une banque d’organes pour les expériences. Ces cœurs, il est bon de le souligner, avaient déjà été jetés pour la transplantation, c’est pourquoi ils n’étaient disponibles qu’à des fins de recherche.
Tous ces cœurs ont subi un “nettoyage” rigoureux qui a permis d’éliminer les tissus cellulaires impropres à la transplantation et de ne laisser que la matrice extracellulaire, comme s’il s’agissait d’un squelette, pour ainsi dire.
Dans l’étape suivante, les scientifiques ont appliqué aux cellules de peau adultes une technique qui les convertit en cellules souches pluripotentes induites. Expliquant le contraire, les chercheurs ont reprogrammé les cellules adultes pour récupérer les caractéristiques des cellules souches embryonnaires ? celles qui peuvent générer divers types de cellules.
Les cellules qui sont passées par ce processus ont été amenées à se transformer en tissu cardiaque en utilisant comme structure les matrices extracellulaires des coeurs donnés. Les organes étaient soumis à une solution contenant des nutriments qui permettaient aux cellules de se développer dans des conditions similaires à celles du qui serait fourni par l’intérieur du corps humain.
Au bout de deux semaines, les cœurs étaient dans un état de développement immature mais significatif, à tel point qu’après avoir reçu des stimuli électriques, ils se sont mis à battre.
Vous rendez-vous compte à quel point cela est prometteur ? Si l’idée fonctionne, les médecins pourront utiliser un cœur de donneur non compatible, le “nettoyer” pour obtenir uniquement la matrice extracellulaire et, sur la base de cette structure, appliquer les cellules du patient qui a besoin d’une greffe. Le cœur “semi-nouveau” issu de ce processus aura très peu de chances d’être rejeté.
Si ce scénario se réalise, les lignes du cœur (et d’autres organes, éventuellement, s’il y a application de techniques similaires) diminueront de manière significative, voire seront éliminées.
Avec l’évolution de la technique, il pourrait même être possible de faire des transplantations “partielles”, c’est-à-dire d’utiliser des implants pour remplacer uniquement les parties du cœur blessées. Les scientifiques y travaillent déjà : une partie des études en cours vise à développer des tissus à placer en des points de l’organe touchés par des crises cardiaques, par exemple.
Il est vrai que ces idées sont encore loin d’être transformées en traitements efficaces. Mais les premiers pas ont été faits. Dans un avenir proche, l’équipe de Guyette espère optimiser les techniques de génération et de culture des cellules cardiaques pour rendre la procédure plus rapide et plus précise.